Rapport

Prendre le pouvoir pour le partager – Expériences et apprentissages des communes participatives 2020-2026

Un ouvrage-rapport inédit qui revient sur six ans d’actions concrètes, de transformations locales et de pratiques démocratiques renouvelées dans les communes participatives. Un outil précieux pour comprendre les points forts et les limites de ce mouvement de prise de pouvoir citoyen dans ces communes dites participatives.

Mise en scène du rapport Prendre le pouvoir pour le partager - Expériences et apprentissages des communes participatives 2020-2026, avec couverture et deux pages ouvertes.

Introduction

Alors que la démocratie représentative traverse une crise de confiance profonde, plus de 60 communes en France ont choisi une autre voie depuis les élections municipales de 2020 : celle d’une démocratie locale vivante, partagée et transformatrice. Le rapport « Prendre le pouvoir pour le partager », documente cette aventure collective et inédite, marquée par la montée en puissance d’une alternative politique locale fondée sur une démocratie plus directe et délibérative, bien au-delà de la simple participation citoyenne.

Fruit de plus d’un an d’enquête de terrain, d’une centaine d’entretiens individuels et d’une immersion dans la réalité de 21 communes participatives, ce rapport de 290 pages donne à voir les pratiques, les défis et les apprentissages de celles et ceux qui, à l’échelle municipale, ont tenté de faire de la politique autrement. Ce rapport propose une analyse dense de 21 communes (grandes et petites) qui ont tenté, parfois avec audace, de réinventer l’action publique locale. Assemblées citoyennes décisionnaires, conseils municipaux élargis à des non élu·es, réorganisations internes plus horizontales, décisions collectives sur la fiscalité locale, l’aménagement urbain ou encore la sécurité alimentaire : autant d’expérimentations concrètes, parfois radicales, dont ce rapport tire les enseignements – sans occulter les échecs, les limites ni les tensions rencontrées.

Ce rapport est écrit par Élisabeth Dau, spécialiste des dynamiques démocratiques locales et du municipalisme depuis 15 ans, Léa Legras et Cléa Fache, toutes deux chargées d’étude au sein de la coopérative Fréquence Commune. Ces dernières ont co-fondé le projet Climate Change – Commons and Radical Democracy in Europe, un tour d’Europe de 4 mois pour aller à la rencontre d’acteur·rices sur la démocratie locale et les communs.

Les thèmes abordés

Organiser le partage du pouvoir

Les élu·es des communes participatives se sont avant tout appliqué·es à elles et eux-mêmes les principes de redistribution du pouvoir qu’ils et elles défendent. En rompant avec le système pyramidal, la personnification et l’hyper-concentration du pouvoir entre les mains du maire, ces élu·es très engagé·es, se sont partagé·es les responsabilités, les rôles et les indemnités, ont redonné de la place au débat et à la voix de chacun·e, explorant d’autres façons de prendre des décisions et réinventant le système de gouvernance classique d’une mairie.

En proposant des dispositifs et instances protéiformes articulant démocratie représentative, participative, délibérative et directe, les communes participatives ont mis un point d’honneur à redonner du pouvoir de décision à leurs habitant·es quel que soit leur statut, leur nationalité, leur genre, leur couleur de peau, leur âge, leur lieu de résidence, etc. Elles montrent au travers de leurs expérimentations qu’il existe des marges et des capacités à faire, à transformer, à préserver, à réparer, à étendre la démocratie en investissant les brèches du cadre institutionnel et juridique inadapté et en ouvrant les portes de la mairie aux habitant·es.

L’administration municipale est une alliée indispensable à la réalisation du projet de mandat. Étendre la démocratie jusque dans les services de la mairie a été un vrai défi pour ces élu·es non professionnel·les de la politique qui en ont découvert le fonctionnement et la culture hiérarchique à leur entrée en fonction. Être associé·es au processus de décision et devoir impliquer les habitant·es dans la co-construction, la co-décision et parfois même la co-réalisation de ces projets constitue un changement majeur dans les pratiques de ces agent·es de la fonction publique territoriale. Sans taire les difficultés et le risque d’épuisement, cette approche participative, l’autonomie, la réorganisation démocratique des services, le droit d’initiative et à l’erreur ont pu donner un nouveau sens à leur mission et attirer de nouveaux profils.

Dans le cadre de leur mandat électif ou au travers des collectifs d’habitant·es — ayant porté les LCP au temps de la campagne ou non —, les communes participatives, de par leurs compétences, participent d’une réappropriation, d’une protection et d’une amplification des bénéfices pour tous·tes des ressources de leurs territoires : alimentation locale, lieu de cohésion sociale, préservation des forêts, communs énergétiques. Certaines communes ont aussi tenté de répondre aux enjeux de redirection de leurs territoires impactés par la crise écologique et le changement climatique. Elles ont ouvert les portes de l’institution publique aux habitant·es mais aussi essayé de soutenir ces formes d’organisation en dehors des murs de la mairie afin de conserver des lieux de contre-pouvoir et de possibilités, où peuvent se développer d’autres façons de faire, de penser de résister et de retrouver de l’autonomie.

Les expérimentations des communes participatives ont également été soutenues par près d’une centaine d’accompagnements à l’organisation et la délibération démocratiques par la coopérative Fréquence Commune. Les accompagnateur·rices de la coopérative partagent leurs expériences et analyses sur les conditions du débat, de la délibération et de ses concrétisations à partir de la démarche de travail associé où, ensemble, élu·es, agent·es public·ques, habitant·es, société civile organisée et expert·es fabriquent des décisions d’intérêt général. Ils et elles partagent également leurs regards sur les pratiques de tirage au sort sur le cadastre, accompagné d’un travail de mobilisation par le porte-à-porte, visant à remédier aux asymétries et inégalités qui entravent la participation de toutes et tous dans les espaces de co-décision municipale.

ou comment dépatriacaliser le pouvoir pour mieux le partager

Les listes citoyennes et participatives ont fait émerger davantage de femmes et ont développé et politisé des pratiques plus horizontales et plus coopératives du pouvoir, même une fois élues. Elles privilégient l’écoute, l’empathie, le soin et la construction de décisions partagées plutôt que l’affrontement, le clivage et la domination des autres. En essayant de créer les conditions de la participation de tous et toutes, les communes participatives tentent de se défaire d’un système politique construit par et pour des hommes particulièrement privilégiés qui exclut, accentue les inégalités et détruit le vivant. Elles ont mis en œuvre des politiques publiques visant à réduire les inégalités entre tous·tes.

Par l’esprit d’ouverture et d’inclusivité qu’elles revendiquent, les listes citoyennes et participatives ont pu dans certains cas faire alliance avec des partis politiques dans le cadre de leur campagne électorale puis de leur mandat municipal sans toujours en mesurer pleinement les répercussions potentielles. En particulier dans les grandes communes qui constituent des enjeux stratégiques pour les partis politiques, les élections municipales de 2020 ont pu devenir le théâtre de lutte de pouvoir et d’influence des partis politiques où se sont rejoués les affrontements politiques de la scène nationale, allant parfois jusqu’à mettre en péril certaines dynamiques habitantes.

Alors qu’elle organise la vie municipale sur des secteurs fondamentaux de la vie quotidienne tels que l’urbanisme, la mobilité, les déchets, l’environnement, le logement, le développement économique, l’assainissement et l’eau, l’intercommunalité est vécue comme une épreuve par les communes participatives. Son impensé démocratique et son opacité vont à rebours du renouvellement qu’elles promeuvent dans leurs municipalités. Si elles y sont souvent marginalisées numériquement ou politiquement, les communes participatives trouvent tout de même d’autres façons d’œuvrer ou d’amplifier des politiques transformatrices dans ces espaces supra-locaux.

Le contexte est marqué par les entraves politiques et institutionnelles à la vivacité démocratique ainsi que par l’ascension électorale et des idées de l’extrême droite tant à l’échelle nationale qu’à celles plus locales. À cela, les communes participatives répondent en affirmant le choix de la démocratie plutôt que du fascisme, du débat plutôt que de la violence, de l’accueil inconditionnel plutôt que du repli sur soi et du rejet de l’autre. Par leur subversivité, leur militantisme institutionnel, leur posture de résistance discrète ou encore leurs expérimentations humbles et joyeuses, les communes participatives opposent à la nuit démocratique dans laquelle nous glissons autant de villes et villages refuges.

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