La place de l’élu·e dans une mairie participative

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6 avril 2021

Serge faisait partie de l'ancienne équipe municipale dont le fonctionnement était très pyramidal. Adjoint dans la nouvelle équipe, il explique en quoi ce changement de fonctionnement a révolutionné les pratiques de l'élu.

Serge, 64 ans adjoint à l’aménagement et à l’urbanisme à la mairie de la Crèche (5900 habitants, Nouvelle-Aquitaine).

Serge GIRAUD, créchois depuis 30 ans, adjoint à l’aménagement et à l’urbanisme et ancien directeur d’association de Foyers pour Jeunes Travailleurs (FJT).

Comment as-tu vécu ce changement de fonctionnement municipal ?

J’ai fait deux mandats avec des maires précédents qui fonctionnaient de manière très classique. Ce fonctionnement était pour moi la norme, il ne m’est pas venu à l’idée de le remettre en question. Pour moi, le maire était celui qui décidait dans son équipe municipale. Puis petit à petit, je me suis rendu compte des incohérences de ce fonctionnement : très souvent on est exécutant et pas contributeur alors qu’on connait parfois mieux le sujet que le maire. Ce qui créé beaucoup de frustrations. Beaucoup de décisions qui concernaient directement les projets qu’on avait monté en équipe étaient prises sans qu’on en soit informés, c’était très démoralisant.

Le maire qui a siégé de 2008 à 2014 n’a pas été réélu, notamment à cause d’un gros projet de complexe sportif à plus de dix millions d’euros qui n’a jamais été débattu ou concerté avec les habitants. Cela a au moins démontré les limites d’un fonctionnement municipal autocratique. Lors de la campagne de 2020, j’ai rejoint cette liste participative qui se montait à La Crèche, sans grande conviction de ma part. C’était vraiment faute de mieux. A vrai dire, je trouvais leur projet de mairie participative plutôt utopique. Néanmoins, j’ai participé à tous ces débats pour monter le programme qui me semblaient « surréalistes » : par exemple, ils disaient que le maire pouvait être mobile, ou faire des réferendum ou des consultations sur la gestion des budgets de la commune. Tout cela sortait d’un autre monde. Je me suis donc mis en fin de liste.
Et petit à petit, je ressentais comme un glissement : je commençais à comprendre cette logique et me rendre compte que je partageais toutes ces valeurs. Même les problèmes de divergence de visions sur les projets étaient débattus de manière fertile. J’ai compris qu’on avait chacun notre place pour contribuer au projet, il n’était pas tout ficelé d’avance et contrôlé par une seule personne. Je me suis donc imprégné de cette culture et j’ai fait de mon mieux pour y contribuer.

Même quand nos avis divergent je trouve qu’il y a un vrai respect, une vraie tolérance les uns vis à vis des autres. Au début, je me disais « ils ne voudront jamais de moi car je ne fais pas partie de ces gens là » mais cette tolérance et cette écoute de l’autre m’ont permis de m’intégrer aisément et de trouver ma place.

Comment a évolué ton rôle d’élu ?

Dans l’ancien mandat, j’étais adjoint aux finances et je n’avais aucune responsabilité. Aujourd’hui j’ai la responsabilité de mes dossiers et des marges de manœuvre beaucoup plus intéressantes qu’avant. C’est très valorisant et ça donne d’autant plus envie de s’impliquer.

Je porte aujourd’hui la contribution des habitants avec fierté car il ne s’agit plus désormais de décider de grands projets sans faire participer les habitants. Ça n’est pas parce qu’on est élu pour un mandat de six ans qu’on devrait avoir le droit de faire ce qu’on veut sans écouter personne. C’est une idée de la démocratie très incomplète.

Pour moi, maintenant, le rôle du maire c’est avant tout l’animateur d’une équipe et aussi le garant du projet municipal. C’est aussi celui qui permet de faciliter la mise en œuvre du projet. Le/la maire orchestre la prise de décision à l’aune d’arguments et de discussions préalables. Le maire peut aussi avoir tort ! Je ne crois pas au savoir absolu.

Quelles sont tes attentes par rapport à ce mandat ?

Avant tout, je serais très satisfait si les valeurs et la culture politique de cette équipe sont reprises par les habitant·e·s et si les équipes municipales prennent ensuite le relais. Le plus difficile à mettre en œuvre c’est le changement de culture, le changement de façons de penser sur les pratiques démocratiques. Je le sais car je suis passé par là ! Un retour des pratiques autoritaires et verticales se fait ressentir et ça, c’est la porte ouverte à l’autocratie et aux dictatures. Chacun doit pouvoir trouver sa place et contribuer à la vie de la société dans laquelle il/elle vit. C’est essentiel.

On voit que ces pratiques émergent, on lit dans la presse et on entend de plus en plus parler dans les médias de ces formes de démocratie et participation citoyenne et je suis fier de faire partie de ce mouvement.

 

Pour en savoir plus sur le fonctionnement de la mairie de La Crèche : Au cœur de la Mairie : démocratie interne à La Crèche

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