Commune
Le Plateau-des-petites-roches
Département
Isère
Nombre d'habitant·es
2200
Année(s)
2022-2023
Contexte
En Isère, l’équipe municipale de la commune du Plateau-des-Petites-Roches, qui regroupe depuis 2019 les villages de Saint-Bernard, Saint-Hilaire et Saint-Pancrasse, a décidé de mettre en place une séquence démocratique sur l’avenir de la station de ski de Saint-Hilaire-du-Touvet, située entre 1 000 et 1 400 mètres d’altitude en bordure du Parc naturel régional (PNR) de la Chartreuse, massif montagneux de moyenne altitude des Préalpes.
En décembre 2021, des inondations exceptionnelles liées à d’importantes tombées de neige suivies d’une période de fort réchauffement ont mis sérieusement à mal une partie des équipements de la régie municipale des remontées mécaniques — notamment le funiculaire. Les recettes du funiculaire permettaient de maintenir la régie à l’équilibre, la petite station de ski étant déficitaire. L’arrêt du funiculaire a alors contraint la fermeture de la station. Cet événement a suscité beaucoup d’émotions dans le village : les salarié‧es licencié·es ont remis en question la bonne gestion de la catastrophe ; les petit·es commerçant‧es ont craint une baisse du tourisme pour l’hiver à venir ; les habitant‧es attaché·es à cette station de ski dont ils et elles sillonnent les pistes depuis leur enfance, ont exprimé leur souhait de pouvoir continuer de skier chaque hiver avec leurs enfants. Toutes et tous ont refusé que le village devienne une cité-dortoir. Certain‧es ont même écrit une lettre signée par de nombreux‧ses habitant‧es afin de demander à la régie municipale de ne pas fermer la station.
La fermeture du domaine skiable touchant à des enjeux émotionnels et identitaires forts pour le village, les élu‧es du Plateau-des-Petites-Roches ont alors décidé d’organiser une séquence démocratique pour prendre la décision avec les habitant‧es accompagner par Fréquence Commune.
Une première réunion publique est organisée le 1er juin 2022 dans une salle hors sac pleine à craquer, avec la présence de 80 habitant·e·s. Une forte défiance des habitants vis-à-vis des élus ressort, en raison de vives interrogations de la population sur la gestion de la catastrophe, sur les licenciements suite à la fermeture de la station et sur la réelle intention des élus de faire participer la population à la décision.
Néanmoins, dans ce contexte tendu, des objectifs ont réussi à être posés :
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La démarche et la méthode de la séquence démocratique ont été expliquées et entérinées.
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Un groupe de travail de 32 personnes, composé d’habitant·e·s tirés au sort, volontaires, d’élu·e·s et d’agent·e·s, a été créé avec pour objectif de se réunir sept fois entre septembre et novembre pour travailler sur différents scénarios et faire une proposition concrète aux élus puis à la population.
Afin d’étudier au mieux les différentes possibilités, les séquences de travail sont éclairées par des intervenants extérieurs (gestionnaires d’autres stations de ski), par des études de la Région sur la gestion des ressources en eau et en neige naturelle, etc.
Le groupe, qui était très divisé au début, apprend au fil des ateliers à travailler ensemble, à se connaître et à comprendre qu’il n’y aura pas de solution miracle. Une véritable cohésion et un sentiment de responsabilité sur l’avenir de la commune naît entre eux. Aussi, le clivage élu·e·s / non élu·e·s qui se ressentait au départ s’estompe au fil de la démarche vers une solution partagée.
À la suite des 6 mois de travail du GT, et une grande réunion publique de validation par les 180 personnes présentent, le conseil municipal du Plateau-des-Petites-Roches vote à l’unanimité la décision ayant émergé de la séquence démocratique, à savoir :
- Le développement d’une station quatre saisons pour répondre aux besoins et problématiques économiques, sociales et écologiques de la gestion du lieu
- La reprise par l’intercommunalité de la compétence de la gestion de la station quatre saisons si elle en a les moyens financiers, mais avec une gestion coopérative des habitant‧es
- La fermeture définitive de la station si aucun des scénarios précédents ne fonctionne
La maintenance par la commune des équipements du domaine skiable le temps de la réouverture de la station.

Réalisations
À la suite du refus de l’intercommunalité et en l’absence d’un‧e autre porteur‧se de projet pour transformer la station de ski en station quatre saisons, certain‧es participant‧es non élu‧es du GT accompagné‧s par d’autres habitant‧es ont décidé de prendre le relais pour apporter une nouvelle réponse et assurer finalement la réouverture de la station de ski à court terme. Ils et elles ont ainsi créé l’association d’habitant‧es AG’HIL (AGIR pour la station de saint-HIL) qui regroupe aujourd’hui environ 250 adhérent‧es. Sa première action avait déjà réuni plus de 70 personnes, prévenu‧es la veille, pour rendre les pistes skiables après des coulées torrentielles survenues en 2022. L’association bénévole était également parvenue à organiser une descente aux flambeaux lors des fêtes de Noël de la même année. À noter que le modèle associatif avait paradoxalement été écarté dès le début de la séquence démocratique par les habitant‧es.
La séquence a permis de clarifier les différents scénarios pour aboutir à celui d’une gestion associative perçue comme la « tentative de la dernière chance ». Cette réappropriation de la situation par les habitant‧es à la suite du refus de l’intercommunalité a probablement été facilitée par la pratique démocratique, la confrontation aux contraintes économiques et administratives, l’accès à des documents d’expertise, les échanges avec les élu‧es et par le sentiment de pouvoir réellement influencer la décision, expérimentés pendant la séquence démocratique. Cette expérience a ainsi permis d’éclairer les marges de manœuvres collectives mobilisables dont les habitant‧es ont su se saisir par la suite, s’auto-organisant pour poursuivre le travail.
Grâce à l’énergie et à la motivation des habitant‧es bénévoles, l’association avec ces 250 membres actifs est finalement parvenue à rouvrir partiellement puis entièrement la station de Saint-Hilaire-du-Touvet en décembre 2024. Elle poursuit aujourd’hui le travail d’acceptation collective lancé par la séquence démocratique et fait office de structure tampon en attendant le redémarrage du funiculaire, l’émergence concrète d’un projet de diversification des activités de la station ou peut-être un jour, sa fermeture définitive
Apprentissages
Les points à améliorer :
- Il est difficile de trouver le juste équilibre entre les volontaires (qui viennent souvent par intérêt personnel pour le sujet) et les tiré.e.s au sort. Peut-être aurait-il fallu plus de tiré.e.s au sort pour garantir plus de diversité dans le panel du groupe de travail ? Cependant, la présence de nombreux volontaires était importante pour porter dans les années à venir ce projet alternatif de station de ski.
- Une meilleure préparation en amont des intervenant.e.s : mieux cadrer les deux premières séances de mise à niveaux des connaissances et la venue d’intervenant.e.s dans ce cadre, aurait fait gagner du temps de travail sur les propositions et une meilleure confiance vis-à-vis de la démarche.
Les points positifs :
Le pouvoir d’agir et d’appropriation des habitant.e.s sur cette séquence a été immense. La montée en compétence de ces 32 personnes a été très précieuse pour la commune du Plateau des Petites Roches. Ils ont aujourd’hui notamment un bel argumentaire et une véritable réflexion sur le sujet, notamment sur les questions techniques. Nous sommes sortis des habitudes encore très ancrées de “doléances auprès de la Mairie” et des “Y’a qu’à”,”faut qu’on”.
Cette séquence démocratique a réduit les fortes tensions entre les habitants de la station sur ce sujet.
Les petites stations de ski en France sont majoritairement déficitaires en raison du manque d’enneigement dû au réchauffement climatique, le lien affectif à la culture sportive est aussi à vif dans les débats sur l’avenir de ces stations. Dans les années à venir, beaucoup de stations vont devoir fermer, il faudra accompagner ces fermetures de manière intelligente et collective. Dans le cas de la commune du Plateau des Petites Roches, quel que soit le modèle de gestion trouvé et même dans le cas d’une fermeture, cette séquence démocratique et cette proposition aideront à en faire le deuil éventuel car il y aura eu une vraie tentative de sauvetage et certains choix douloureux, mais qui auront été faits de manière collective, consentie et éclairée par la population.

« La séquence démocratique a été le point de départ de plein de choses, de partage d’informations, de connaissances et de motivation ! »
Une habitante.
« L’étude sur l’enneigement de la station sur laquelle j’ai pu travailler pendant le GT a fait évoluer ma pensée. Avant, j’étais écolo mais technosolutionniste, je pensais que la crise écologique ne nécessitait pas de changement majeur. Mais quand tu regardes les modèles climatiques, avec +4°C, quand tu mets la main dedans, tu n’en sors plus. Quand t’as compris l’ampleur de la situation tu ne peux plus prendre une seule décision sans réfléchir à ça. »
Un habitant tiré au sort
« On avait fait une réunion publique au début de la démarche avec plusieurs tables représentant les différents scénarios [gestion conjointe par la commune et par une association, gestion uniquement par une association, gestion privatisée ou transmise à l’intercommunalité, fermeture], et toutes et tous les habitant‧es étaient allé‧es vers la table communale et personne ne pensait le modèle associatif, ni la fermeture. Et deux ans après ils sont 250 ! »
Un élu


